13 septembre 2012
L E M U R
4 – LES MURS NE SUFFISAIENT PAS…IL FALLAIT DES PYRAMIDES.
Les étangs que les envahisseurs des années 1940 avaient épargnés, ne le furent pas par ceux des années 1960. Pour supprimer les moustiques il fallait détruire leurs larves qui se développent entre autres dans les étangs. Personne n’ignorait que les anguilles s’en nourrissaient et que la pêche et l’exportation de ces fantastiques poissons migrateurs nourrissaient à leur tour des familles de pêcheurs en bordure des étangs. Mais que valent des pêcheurs sur leurs petites barques, face aux colossaux promoteurs capables de construire des pyramides ?
Et ils les construisirent ces orgueilleuses pyramides. En les voyant s’élever je n’ai pu m’empêcher de penser que si l’Egypte avait eu Toutankhamon, désormais nous avions « tout en béton ».
Les grands moyens furent déployés. Pas seulement pour les pyramides, mais pour les infrastructures des nouvelles villes. « On » ne regardait pas à la dépense. Des routes et des ponts apparurent dans une débauche de béton et de bitume. Nous n’étions pas à Gizeh, mais des parodies de pyramides défiaient le ciel dans ce qui avait été un désert… C’était un immense chantier qui s’étendait depuis les rivages du Roussillon jusqu’aux rivages de la paisible Camargue. Quel gâchis !... Que faisaient ce qui ont créé plus tard le conservatoire du littoral ?
Pendant ce temps, dans la petite ville d’Agde, à l’embouchure de l’Hérault, un vieux pont routier atteint de vétusté avait nécessité le détournement de la circulation des poids lourds. Ils devaient se détourner par Pézénas. Cette réduction du trafic constituait une décision ruineuse pour l’économie de la ville. Malgré les demandes et, on pourrait presque dire « les supplications », les autorités demeuraient inflexibles. L’état des finances ne permettait pas d’engager une dépense aussi importante : réparer le vieux pont qui enjambait l’Hérault. Mais les agathois savaient quelle débauche de travaux étaient exécutés pour réaliser « la nouvelle Floride » ; et les sommes faramineuses qu’ils engloutissaient. Aussi lorsque le chef de l’Etat, en l’occurrence le général de Gaule et son premier ministre Pompidou, décidèrent d’inspecter le littoral du Languedoc, les gens d’Agde les attendaient-ils sur leur passage. Mais ces hauts personnages n’empruntèrent pas la route et inspectèrent ce lieu en hélicoptère…
Et les murs s’élevèrent à La Grande Motte, et des kilomètres de route furent construits pour y accéder, et des dizaines de ponts tout neufs enjambèrent canaux et torrents… et une fois de plus les puissants imposèrent leur volonté contre des intérêts légitimes et vitaux.
C’est un mur symbolique qui sépare les bonnes gens du peuple et ceux qui, d’une façon ou d’une autre, sont investis de pouvoirs manipulés dans des interprétations qui trahissent l’esprit des textes fondamentaux. Il existe des murs visibles et d’autres qui ne le sont pas matériellement ; et ce ne sont pas les moins solides.
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02 septembre 2012
LE MUR
3-DES MURS, DU BETON, DU BITUME.
Officiellement, « on » se soucie de l’environnement en paroles, mais pas toujours en actes. La localité dans laquelle j’admire d’être environné par un mur affiche ces bonnes intentions. D’ailleurs à proximité un « conservatoire du littoral » a été créé. C’est encore une bonne intention qui doit faire partie de celles qui tapissent l’enfer, car cette création fut bien tardive. Que n’a-t-on créé ce conservatoire avant les années 1960 ? « On » a attendu qu’aient accompli leurs forfait les promoteurs, les bétonneurs et les bâtisseurs de murs et de tours en formes de pyramides.
Je me souviens des paysages avant le saccage du littoral languedocien et son envahissement par « les folies » de béton. (A une époque pas très lointaine, on appelait « folies » des constructions de charme en dehors des villes pour abriter des rencontres et des réunions souvent libertines.)
Depuis Palavas jusqu’au Vidourle, à l’entrée de la Camargue, on admirait des vagues et des vagues. Il y avait les vagues salées de la mer et les vagues parfumées de soleil des vastes dunes de sable fin. Ces dunes séparaient les flots de la méditerranée et les étangs par des étendues à perte de vue ; un désert d’une impressionnante beauté.
De ce sublime désert, des gens venus d’ailleurs, des gens motivés par leur soif de profits et soutenus par les pouvoirs en place, ont décidé de faire « une nouvelle Floride ». J’ai en mémoire les commentaires des médias qui applaudissaient au développement économique d’une région… Savaient-ils que les enrichissements ne seraient pas pour cette population, mais pour une « immigration » saisonnière ou permanente ignorant tout des paysages dévastés.
Comme c’est souvent le cas la population n’avait pratiquement pas son mot à dire.
Mais une autre population tenta de contrarier le projet. Les moustiques vivaient là depuis des siècles. Ils étaient innombrables et actifs et semblaient établir une différence entre « les étrangers » et les gens de la région qu’ils épargnaient. Les bétonneurs savaient qu’ils possédaient les moyens de vaincre ces bestioles qui se croyaient chez elles. « Lève-toi de là que je m’y mette ». On n’arrête toujours pas d’appliquer ce principe qui confirme que « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».
La démonstration a été efficace… et pas seulement pour les moustiques. Des produits contenant de puissants poisons alors autorisés, ont pollué les rivages, les étangs et les dunes.
Ces rivages avaient connu d’autres bétonneurs entre 1942 et 1944. Ceux-là avaient parsemé la côte de solides bunkers dont il reste encore des vestiges. Ils avaient aussi semé des champs de mines sur les plages et dans les dunes. Petit à petit le paysage avait repris ses droits… jusqu’aux années 1960…
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22 août 2012
L E M U R
2 – LE MUR APPARAÎT
Au cours de ce beau mois de mai, des engins bruyants et polluants sont venus stationner en face de mon bureau. En quelques heures, deux mûriers-platanes, les lilas et les lauriers roses ont été abattus. Pour eux, pas de renaissance printanière.
Rapidement une tranchée fut creusée en bordure de la route. Des ferrailles ne tardèrent pas à recevoir une couche de béton. Ensuite, en une journée, un grand mur fut construit par deux ouvriers compétents aux gestes rapides et surs.
L’espace vert et le terrain vague ne sont plus que le souvenir d’un lieu « déclaré inconstructible ». Face à moi, le mur gris, avant d’être coloré, s’élève froid, triste et presque inquiétant.
Je ne veux pas savoir qui a bravé les interdits annoncés et pour quelle raison… Le mur est là. Il constitue une continuité ininterrompue avec ceux qui existaient auparavant. Quand je regarde ce ruban de pierre et de béton, je pense à ces rues sans ouvertures que j’ai connues à Tozeur, en Tunisie. Là-bas, derrière ces barrières, selon leurs coutumes, s’abritent des familles qui cachent pudiquement leur vie paisible.
On ne sait jamais ce qu’il y a ou se qui se cache de l’autre côté d’un mur. Comme le dit la chanson : « Il y a toujours un côté du mur à l’ombre. »
Moi, je me moque de ce qu’il y aura à la place de mon espace vert. Je ne vois que le mur. Je l’observe… et il n’évoque plus Tozeur. Il me fait penser à ces grandes murailles qui fixent les limites à Fresnes, à Clairvaux et ailleurs… Parfois il me semble que désormais il manque un élément à ce nouveau paysage. Pourquoi ne pas ériger un mirador qu’on peindrait en rose comme le mur ; pour le rendre moins lugubre ? Oui, un mirador ou une tour, ce symbole de l’orgueil humain qui dans les tarots est stigmatisé par la lame seize. Toujours plus haut, au-dessus des autres, toujours plus caché, toujours plus secret… chacun chez soi et chacun pour soi… et tant pis pour l’environnement.
Dans notre petite localité et dans mon lotissement il reste encore quelques « espaces verts » plus ou moins à l’abandon. Quelle aubaine pour les valeureux constructeurs de murs qui vont pouvoir modeler le paysage à la mode de notre siècle ! Construire des murs en dépit de l’environnement pourrait devenir « tendance » selon l’expression des snobs de notre époque. Au terminus du nouveau tramway un « espace vert » vient d’être aménagé. Comme il deviendrait attrayant si un grand mur l’entourait. Il pourrait devenir une attraction pour touristes…
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06 août 2012
L E M U R
1 – AVANT LE MUR
Comme il est agréable et apaisant de voir de la verdure en travaillant !
Une fenêtre s’ouvrant sur des feuillages ou sur une prairie suffit pour qu’en levant les yeux une dose de « bio » pénètre dans la pièce, douce et caressante.
Il est vrai qu’en ville les fenêtres s’ouvrent sur un panorama de toitures ou sur des constructions en béton, ou encore sur des avenues bruyantes et polluées.
J’ai quitté la ville de mes jeunes années pour m’installer pas très loin, dans un petit village que j’ai connu lorsqu’il ne comptait que cinq cents habitants ; et qui n’en finit pas de devenir une ville.
C’était en 1986. J’ai choisi un terrain d’un peu moins de 500m2 dans un petit lotissement en bordure d’un chemin pour piétons, sur l’emplacement de ce qui fut la voie ferrée du célèbre petit train de Palavas. Il était prévu la construction d’ne trentaine de villas, sans qu’un style soit imposé. Et de plus, dans ce petit lotissement, plusieurs « espaces verts » étaient indiqués sur le plan ; ce qui constituait un argument pour le vendeur. En face de mon terrain se trouvait l’un de ces espaces verts qui, me dit-on, ne pourrait jamais être constructible. Seulement la petite route interne du lotissement m’en séparait.
Dans l’emplacement prévu pour mon garage, j’ai aménagé mon bureau avec vue directe sur l’espace vert. C’est là que des pins devaient être plantés. A leur place, les jardiniers municipaux ont installé trois mûriers-platanes, laissant le reste du terrain à l’abandon. Ainsi mon espace vert se composait de trois arbres et d’un terrain vague. Souvent les herbes se développaient et montaient. Alors le vent y dessinait « les vagues de ce terrain »… Il était bien « tristounet » ce coin de verdure en bordure de la petite route… Alors des voisins eurent l’idée de planter deux lilas sur les côtés, puis d’autres, une rangée de lauriers en fond. Pour ma part, des amis m’avaient offert une plante qui envahissait un petit coin près de ma maison. Pour la contenir on avait attaché ses branches et elle semblait être étouffée par ses liens. Je l’ai enlevée de cet emplacement et je l’ai replantée au centre du terrain pour qu’elle se développe normalement. J’avais l’impression qu’elle se régénérait. Elle devint énorme, constituant un massif d’environ trois mètres de diamètre sur deux de hauteur. Chaque année, pendant quelques semaines, elle se recouvrait de délicates fleurs jaunes qui égayaient mon environnement. J’ignore pourquoi, et sur ordre de qui, les jardiniers municipaux ont arraché cette vieille plante inoffensive et rendu le lieu à l’état de terrain vague.
Heureusement, il restait les lilas. Cette année encore, en 2012, au mois d’avril leurs fleurs ont discrètement décoré les limites de ce lieu.
Et puis, brusquement, ce fut un changement radical au cours du mois de mai, quand la nature s’éveille à la vie…
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