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31 janvier 2012

L’HOMME QUI VENDAIT DU VENT ( 2 )


 

Maintenant, nous étions là, face à face. Je l’observais. Il semblait ne pas avoir d’âge. Son visage au regard profond, intense, mobile, vide et mouvant, son visage s’effaçait du souvenir de ceux qui le croisaient.

 

Il marchait face au vent, ou poussé par le vent, mais toujours avec le vent. C’est vrai, il se disait marchand, sans que personne n’ait jamais vu sa marchandise qu’il qualifiait de légère, douce, puissante et violente. C’est avec beaucoup d’amour qu’il m’en parlait, comme il me parlait de ce que d’autres vendaient. Il connaissait des marchands de feu, de terre et d’eau.

 

Il m’expliquait comment ce feu avait été apprivoisé, comment il brûlait sous nos pieds et sur nos têtes, capable de nous permettre de vivre ou de nous anéantir. Il savait tout ce que les hommes faisaient de bien ou de mal avec le feu ; pour se chauffer, pour se rafraîchir, pour se transporter pour s’entretuer.

 

Il me parlait de la terre sur laquelle nous vivons et dont nous sommes faits. « Nous sommes faits, disait-il, en partie de la matière qui constitue les habitants de cette planète, hommes, animaux, végétaux. Mais nous valons plus que le plus précieux des minerais, même s’il nous apparaît sous la forme d’un diamant ou s’il a été transformé en de luxueux bijoux. »

 

Il disait aussi que l’eau nous habite comme elle habite les océans. « Cette eau qui vient du ciel, qui tombe et qui s’envole à nouveau appelée par le soleil, cette eau qui peut nous porter ou nous engloutir, regarde-là dans les ruisseaux, dans les flacons et dans les larmes de tes yeux. Elle a toutes les formes, tous les parfums, toutes les couleurs ; elle est la vie. »

 

Lui, était le maître du quatrième élément : l’air. Il savait le figer ou le faire se mouvoir pour obtenir le vent. Il vendait l’invisible, l’impalpable, mais le réel et peut-être le moins dérisoire. Il le manipulait et ainsi il manipulait le monde.

 

Il connaissait tous les secrets car son ami le vent lui apportait toutes les paroles prononcées. Le moindre chuchotement lui parvenait un jour ou l’autre. Comme les Celtes, il écoutait le chant du vent dans les plus hautes branches des grands arbres et l’avenir lui était révélé ; tout l’avenir, l’avenir de chacun et l’avenir de tous.

 

Ses mains fines et puissantes détenaient le sort du monde. Il réglait et surveillait les cycles de la nature. Il poussait doucement ou violemment chaque goutte d’eau que le soleil appelait dans le ciel puis, avec précision, il la renvoyait nourrir la terre, les plantes et les fleurs.

 

Il parlait le langage des vents, celui du tendre zéphir, celui de l’aquilon et celui tonitruant de la tempête. En Provence, il parlait « mistral avé l’accent » et à Carcassonne il roulait les « r » de la « trrramontane ».

 

L’humour ne lui manquait pas. Parfois, quand je venais vers lui, il me demandait :  « Quel bon vent t’amène ? » Quand je le quittais, il me jetait un sonore : « Allez, bon vent ! » D’autres fois, il se taisait, il méditait en respirant le parfum de sa fleur préférée : une rose des vents.

 

 

 

 

La semaine prochaine : L’HOMME QUI VENDAIT DU VENT ( 3 )

 

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