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15 janvier 2012

L’HOMME QUI VENDAIT DU VENT ( 1 )

 J’étais alors un enfant, un enfant curieux, fier d’avoir l’âge de raison : et je raisonnais.
Le monde des adultes n’était pour moi que mystères, contradictions et disproportions. J’observais les membres de ma famille, leurs habitudes, leurs rites, leurs caprices. J’en faisais ce qui me paraissait être la façon de vivre la plus logique.
Dans mon univers intervenaient aussi des gens qui passaient ou qui apparaissaient de temps en temps, des amis, des relations, des commerçants. Ils m’intriguaient. Je les trouvais différents de mes parents, différents par leurs voix, par leurs gestes, par leurs vêtements.
Et puis, il y avait ce personnage qui ne ressemblait à aucun autre. Je le rencontrais parfois au cours de mes promenades.
Il était vêtu d’un costume de velours et d’une pèlerine qui le couvrait entièrement. Son vaste chapeau à larges bords l’abritait de la pluie comme du soleil. Ses grands pieds semblaient écraser lourdement le sol. Il portait sur son dos un sac bizarre que j’aurais bien voulu ouvrir et visiter.
Il m’impressionnait sans me faire peur, comme c’était le cas pour des vagabonds ou des clochards qui croisaient mon chemin. Ceux-là m’effrayaient ; je détournais mon regard et je serrais plus fort la main de celui ou de celle qui m’accompagnait.
Il lui arrivait de s’arrêter sur un trottoir, au milieu de la rue ou sous un arbre. Il posait son sac devant lui et il parlait. Le débit de ses paroles était rapide sa voix forte et bien timbrée ; il était seul et il parlait. Quelques personnes s’attroupaient autour de lui. Nous passions et malgré mes efforts, je ne parvenais pas à saisir ses paroles. Je crois que j’aurais été capable de donner tous mes jouets, y compris ma trottinette que j’adorais, pour l’écouter, pour savoir, pour comprendre.
- «  Dis grand-père, qui c’est ce Monsieur ? D’où vient-il ? »
- «  Je crois qu’il vient de très loin. C’est un camelot, ou, si tu préfères, un marchand ambulant. »
Mon grand-père hésitait un peu. Mes questions l’embarrassaient peut-être.
- « Je ne peux pas t’explique encore… Il vend du vent.
Et le soir, en m’endormant, je pensais à cet homme qui vend du vent. Je le revoyais. J’imaginais ses paroles, son vocabulaire, ses arguments. De jour en jour, il prenait plus d’importance. « Quel beau métier, vendre du vent ! Peut-être que plus tard, quand je serai grand, moi aussi je vendrai du vent ! … »
J’ignorais que l’homme qui vendait du vent allait devenir mon ami. Je ne savais pas que je serais son seul ami et que ses secrets, tous ses secrets seraient bientôt les miens.

 

 

(la semaine prochaine : L’HOMME QUI VENDAIT DU VENT ( 2 )

Commentaires

réminiscence poétique très plaisante...à suivre, donc.

Écrit par : spinnaker | 21 janvier 2012

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